Pourquoi choisir la paille comme isolant biosourcé ?

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Série Isolation biosourcée du bâtiment 2/8

Si vous avez manqué le 1er article de la série, le voici

La paille est un matériau de construction ancestral.

L’application la plus ancienne connue est sous forme de torchis (brins de paille mélangés à de l’argile).

Plus tard avec la mécanisation de l’agriculture, la paille a été conditionnée en bottes rectangulaires. Ce nouveau matériau a été employé tel quel dans la construction de bâtiments. Les plus célèbres réalisations sont la maison Simonton en paille porteuse (1886, Nebraska USA) disparue aujourd’hui et la maison Feuillette en ossature bois et remplissage paille (1920, Montargis France) qui est toujours debout.

Dans le contexte actuel de crise écologique avérée (déclin de la biodiversité, changement climatique, pollution), la construction en paille s’impose comme un levier très intéressant pour rendre le secteur du bâtiment plus soutenable.

Nous allons voir dans cet article pourquoi choisir la paille comme isolant biosourcé pour son projet de construction ou de rénovation s’avère être un excellent choix.

Quels sont les avantages à utiliser la paille ?

1. Matériau écologique par excellence

La paille est un matériau végétal, co-produit des cultures céréalières telles que le blé, l’orge, le riz, le seigle, le triticale…. Toutes ces céréales conviennent pour la fabrication de bottes de paille. Cependant, à l’heure actuelle seule la paille de blé est couverte par les règles professionnelles.

2. Ressource

La ressource en paille est abondante. En France, on estime que 40% de la production annuelle de paille est inutilisée (retour au sol) et seul 10% suffirait pour bâtir la totalité des logements construits en France chaque année. Il n’y a donc pas de concurrence avec d’autres usages.

3. La conductivité thermique λ

La paille au regard de la seule conductivité thermique est plutôt dans le milieu du classement. En effet, dans le cas d’une botte de paille de blé standard (dimensions 0,37×0,47x1m) le λ varie entre 0,052 et 0,048 W/m/K selon le sens de pose.

Cependant, regarder ce seul critère est parfaitement incomplet. C’est l’ensemble de ses caractéristiques qui fait de la paille l’un des meilleurs matériaux isolants possibles.

Il faut donc sortir de cette vision en silo et considérer le choix d’un matériau selon d’avantage de critères. Bien entendu selon la résistance thermique et le coût , mais aussi selon :

  • Le déphasage,
  • La capacité à réguler l’humidité,
  • La durabilité des performances dans le temps (vieillissement, dégradation, tassement)
  • L’impact carbone sur le cycle de vie complet,
  • L’impact énergie et eau de la production et du traitement du matériau
  • Le traitement en fin de vie,
  • La mise en œuvre (simplicité, robustesse du matériau…)

Dans le choix d’un matériau de construction on peut même rajouter des critères plutôt liés à l’éthique tels que :

  • La contribution à l’économie locale
  • La disponibilité des matériaux constitutifs du produit
  • L’impact sur les autres utilisateurs de ces produits (=tensions sur la matière première)

4. Le Déphasage

Un second critère thermique important est le déphasage (capacité du matériau à emmagasiner de l’énergie et à la restituer progressivement dans le temps). Dans le cas d’une botte de paille standard (de densité 100 kg/m3), le déphasage est de plus de 12h ce qui contribue au confort d’été et qui est bien meilleur que les performances proposées par les matériaux conventionnels (par exemple la laine de verre : 6h à 8h).

5. Isolation phonique

En plus de ses propriétés thermiques, la paille sous forme de botte est un bon isolant phonique (du fait de son épaisseur). Dans l’idéal elle sera enduite des deux côtés pour une plus grande efficacité (effet masse-ressort-masse).

6. Régulation de l’humidité

La paille est perspirante, c’est-à-dire qu’elle a la capacité de se laisser facilement traverser par la vapeur d’eau. Quelques coefficients à la diffusion de la vapeur d’eau :

  • Paille : 1,
  • Fibre de bois : 3 à 5,
  • Pisé : 10,
  • Ciment : 82.

7. Un matériau brut bon marché

Comparée à d’autres matériaux isolants, la fourniture de paille est moins coûteuse. Le prix d’une botte de paille varie de 5 à 9€ selon si l’on se fournit chez :

  • Un agriculteur
  • Un revendeur
  • Une entreprise de transformation

8. Un matériau qui tient dans le temps

La paille est un matériau organique sensible à l’eau. Cependant si elle est maintenue au sec, elle ne se dégrade pas et conserve ses propriétés, comme en témoignent les bottes de la maison Feuillettes (ci-dessous) vieilles de plus de 100 ans !

9. Une empreinte carbone négative, c’est positif !

Sa production émet bel et bien du CO2 (production, coupe, transport), mais ces émissions sont compensées par le fait que comme tous les végétaux, la paille stocke du carbone lors de sa croissance.
La paille contribue ainsi à compenser une partie des émissions de gaz à effet de serre du chantier (contribution au réchauffement climatique -9,94kgCO2e/m2 source FDES).

En construction neuve c’est un matériau de choix pour passer le seuil ACV de la réglementation environnementale (RE2020).

10. Traitement en fin de vie

Argument imparable face aux matériaux minéraux ou pétrochimiques : la paille, comme toute matière organique, est 100% biodégradable. C’est-à-dire qu’elle se décompose sans problème en milieu extérieur sans pour autant venir y ajouter des polluants. Un bâtiment en paille peut donc, le jour où on le décide, retourner à la terre en étant composté directement sur place et ainsi amender le sol en question. La boucle est bouclée !

Quelles sont les principales techniques constructives ?

Utilisation en bottes standards

Remplissage d’ossature bois : La technique la plus courante est d’insérer les bottes (dimensions 0,37×0,47x1m) en remplissage de mur en ossature bois (porteur ou non). C’est aussi la seule technique aujourd’hui validée par les règles professionnelles du RFCP.

Au sein de ce mode constructif, il existe de nombreuses techniques différentes (ossature intérieure, extérieure, centrée, en tunnel…). Leur choix dépend de plusieurs critères et notamment le type de parement extérieur souhaité.

Cette technique propice à la préfabrication en atelier est déployable aussi en toiture, en toit terrasse et en dalle de plancher.

Paille porteuse : Une autre technique, qui est en passe d’être validée par des règles pro est la technique de paille porteuse : Les bottes de paille de mêmes dimensions que précédemment sont empilées et compressées à l’aide de lisses haute et basse et de sangles pour former des murs autoportants. Ces éléments de murs sont fixés à une structure poteau poutre qui porte la charpente du bâtiment. Cette technique permet de réduire considérablement les besoins en bois d’ossature.

Ce procédé de paille porteuse peut aussi être réalisé avec des bottes grand format qui sont structurelles cette fois, et peuvent supporter le poids de la toiture (voir illustration ci-dessous). Pour l’heure, cette technique n’est pas couverte par les règles professionnelles.

Utilisation en vrac

La paille est préalablement hachée et dépoussiérée. Puis, on la souffle dans les cavités des murs, des combles ou des planchers.

Le remplissage des caissons peut aussi bien se faire en atelier de préfabrication ou sur place.

C’est une technique particulièrement adaptée pour l’ITE. En effet, en ITE l’utilisation de bottes s’avère plus compliquée (du moins en taille standard de bottes). Le gros avantage de l’insufflation est que l’on module facilement l’épaisseur des caissons (épaisseur de 20 cm : R= 4,08 m2.K/W ; épaisseur de 30 cm : R = 6,12 m2.K/W).

En France la SCIC Ielo crée des partenariats avec les agriculteurs pour commercialiser de la paille hachée.

Utilisation en enduit

La paille est incorporée à un liant (composé le plus souvent d’argile ou de chaux, de sable et d’eau) et appliquée comme enduit de corps sur les murs ou les plafonds. Ces enduits allégés peuvent être appliqués en projection ou à la main.

La présence de la paille participe à l’isolation thermique et phonique des murs, la présence de l’argile ou de la chaux régule l’humidité intérieure et assure ainsi le maintien de l’hygrométrie autour de 60%, idéal donc pour de l’habitat.

Dans le cadre d’un chantier de bâtiment en bottes de paille, celles-ci sont aptes à l’application d’enduit. Ainsi, on peut directement enduire les bottes d’argile (éventuellement récupéré sur site) et/ou de chaux (attention cependant, les précipitations locales de pluie peuvent contraindre l’utilisation de l’argile et de la chaux à l’extérieur) .

Sur un chantier de construction en bottes de paille, ce procédé permet de valoriser les brins de paille issus du travail des bottes.

Ces enduits allégés dits correcteurs thermiques sont très appréciés en rénovation du bâti ancien car ils apportent une légère amélioration de la thermique des parois tout en régulant l’humidité du mur. Les performances thermiques de l’isolant peuvent être améliorées en augmentant la quantité de fibre présente dans le mélange et/ou son épaisseur.

Terre paille banché

La paille est mélangée à de l’argile et de l’eau. Le mélange est incorporé entre des montants bois. La verticalité est assurée par les banches que l’on déplace au fur et à mesure que le mur se monte. Ce matériau est idéal pour réaliser des cloisons et apporter de la masse dans un volume.

Utilisation en panneaux

Enfin nous terminons ce tour d’horizon avec les panneaux de paille. A l’origine utilisé dans les années 1930 et appelé la Solomite il s’agissait de panneaux de grande dimension faits de brins de paille maintenus avec un maillage en fer. Aujourd’hui cette même technique existe mais avec une maille plastique.

C’est ce que propose notamment l’entreprise Copano. D’épaisseur 11,5 cm ils ont une résistance thermique R = 2,74 m2.K/W

Quels sont les coûts de telles constructions ?

C’est une question qui revient régulièrement et à laquelle il est compliqué de répondre tant les projets sont divers (approvisionnement, taille, région, technique employée, recours à l’autoconstruction…). Voici cependant quelques chiffres qui vous permettront, j’espère, de vous faire une idée générale.

Matériaux

Bottes de paille : Le nombre de bottes nécessaires dépendra de la surface à isoler et du type de pose. Le coût des bottes de paille peut varier, mais il se situe généralement entre 5 et 9 euros par botte (fourniture seule, soit 10 à 20€HT/m2).

Enduits et plâtres : Les enduits sur botte de paille sont en général de 6 cm d’épaisseur (gobetis/barbotine, enduit de corps, enduit de finition). Il faut compter autour de 90€HT/m2 pour ce type d’enduit à la chaux ou à l’argile fournis posé.

Les prix des autres matériaux sont identiques à ceux pratiqués en construction bois.

Zoom sur quelques modes constructifs

A titre d’exemple, 2 modes constructifs sont détaillés ci-dessous (composition de l’extérieur vers l’intérieur et prix fournis posés) :

Mode 1

  • Enduits extérieurs : 90 €ht/m2
  • Ossature FOB : 80 €ht/m2
  • Remplissage bottes de pailles (0,37×0,47x1m) : 35 €ht/m2
  • Enduits intérieurs : 90 €ht/m2
  • TOTAL : 295 €ht/m2

Mode 2

  • Bardage pin horizontal : 70 €ht/m2
  • Liteaux : 10€ht/m2
  • Parepluie : 20 €ht/m2
  • Plaque type Agepan : 20 €ht/m2
  • Ossature FOB : 80 €ht/m2
  • Remplissage bottes de pailles (0,37×0,47x1m) : 35 €ht/m2
  • Membrane hygrorégulante (Pare-vapeur) : 15 €ht/m2
  • Liteaux : 10 €ht/m2
  • Parement interieur type Fermacell (compris joints) : 55 €ht/m2
  • Peinture : 18 €ht/m2
  • TOTAL : 333 €ht/m2

Conclusion

La paille est un matériau fantastique à bien des égards. Cet article tente de le présenter de manière exhaustive et claire.

Comme on l’a vu précédemment la paille, de par ses caractéristiques et la variété des techniques constructives, est utilisable dans un grand nombre de projets de bâtiment quel que soit le projet architectural ou la destination (habitation individuelle ou collective, d’ERP, de locaux tertiaires…)

N’hésitez pas à me faire des retours ou à me poser vos questions ici

sources :
RfcpRègles Pro de la construction pailleLa construction paille – Luc Floissac